LE PIRE AMI DU LOUVRE

Louvre-Ravioli ? Car l’art se dévore comme des pâtes en famille. Les oeuvres libérées de la conserve pour de grands sourires à la sauce tomate renversée. Par ici, tout se mélange : références secouées, têtes chamboulées. La pyramide serait-elle une boule de cristal tombée par terre ? Passé – Présent – Futur coincés dans la caravane à Madame Irma. Le plan du Louvre ressemble à un vaisseau spatial, un hub de cristal pour des virées dans l’espace-temps. La brochure déplie son offre : bijouterie Moyen-âge, terre cuite du Levant, temple de Mésopotamie, apparts de Napoléon III,  toiles Renaissance….

Trous d’ère du temps
Embarquement immédiat portes Sully, Richelieu ou Denon.  Sac de bourlingue, gourde et chapeau pour une traversée des dunes d’orient vers le cour Khorsabad. Les taureaux androcéphales ailés, cloués à l’entrée du temple, regardent jalousement l’escalator de l’aile Richelieu s’envoler vers les rues feutrées de l’Ecole du Nord : vieil ivrogne à sa fenêtre, arracheur de dents, kermesse, pute chapardeuse, liseuse de bible… Trous d’ère du temps dans un voyage cosmique, comique, lyrique (y a du Made in Italy pas loin). Parfois, des icônes universelles – pin-up de la création – assurent les transitions. Mona, Vénus & Victoire font crépiter les flashs de la célébrité à t’en décoller la rétine. Un bus déverse à l’instant un flot de banane-casquette-birkenstock. Ils traversent la galerie Michel-Ange comme un stand de slips mal achalandé aux Galeries Lafayette. L’une des casquettes s’accoude  à une sculpture de Canova comme sur le zinc à chez Dédé. Ca fait mal aux yeux. Les paupières des flashs sont pourtant fermées. Peu importe car l’irritation ne dure pas…

Son, canson et canasson
Le voyage se poursuit. Passé – présent – futur s’enlacent à nouveau. Les étudiants des Beaux-Arts, coiffés d’un casque à son, crayonnent dans l’aile Richelieu. Alignées comme des pêcheurs sur un pont, les têtes électro-chic dodelinent. Cristal Castle sous la Pyramide de verre. Ils empoignent leur fusain, les Chevaux de Marly caracolent sur les cansons. J’imagine le titre du croquis : « Son, canson & canasson… » Salle des Bronzes, les regards de copines sont aimantés par une vitrine de bijoux de la Grèce antique. Elles hésitent à demander à la gardienne si  ces pendeloques de diadème de 3000 av JC sont toujours en soldes. Pendant ce temps, entre deux Véronèse, des gardiens en blazer blasé s’interpellent pour savoir si Benzema plantera un but ce soir. Relativité du sacré. Le passé parle au présent décomposé, faute à la boule de cristal déglinguée.

Le pire ami du Louvre ?
Par ici, pas de spécialiste. Pas de loupe de professionnel de l’histoire de l’Art. Baroque,  Maniérisme, Classicisme, Neo-classicisme ? Pas sûr. Plutôt cataclysme, bourlinguisme, amateurisme, néo-curiositisme. Assez loin des explications techniques pointues qui transpercent la toile. Pas de structure pyramidale typique d’une conception d’ascenseurs de Vinci, pas de teinte azur issue d’un pigment de moustache de chaton bleu de Basse-Egypte ni de clair-obscur de caravane etc.  Allons-nous nous transformer en pire ami du Louvre ? La seule échappatoire : raccrocher des histoires, chahuter les contextes, déterrer l’anecdote…Un pêle-mêle d’impressions spontanées pour éclairer une toile timide, un objet anodin, une sculpture planquée dans une contre-allée. Tous les pieds dans l’aquarelle pour barboter et partager

Louvre Ravioli

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